Aujourd'hui plus que jamais, soutenir l'abolition de la dette est une priorité !

4 Mai 2020

Aujourd’hui plus que jamais, soutenir l’abolition de la dette est une priorité!

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La pandémie du covid 19 a démontré que le système néolibéral qui dirige le monde est préjudiciable aux systèmes de santé, aux services publics, et mauvais pour les personnes, en particulier pour les pauvres et les populations du tiers monde. Nous devrions rappeler aux dirigeants néolibéraux leaders de la mondialisation, que récemment encore ils affirmaient que des mesures d’austérité étaient indispensables pour sauver l’économie d’un pays endetté. Il n’y avait pas d’alternative. Les politiques d’austérité étaient présentées comme le seul moyen de sauver la population d’un pays. Aujourd’hui, ces mêmes pays ont des services publics et des systèmes de santé sous-financés, incapables de garantir une protection adéquate à la population. Ce scénario montre que la répartition de la pauvreté est fondée sur une exploitation sexuée, racialisée et divisée par classe.

L’abolition de la dette publique dans les pays du tiers monde a été discutée dans des assemblées supranationales comme l’UE, mais qu’est-ce que la dette publique exactement ? Dans les années 1980, le « développement » est devenu synonyme de programmes d’ajustement structurel (PAS), qui ont obligé les pays en développement à contracter une énorme dette publique. L’objectif de la dette publique est d’endetter la société entière, engendrant un système d’inégalité. Aujourd’hui, les pays soumis aux PAS sont confrontés à la pandémie de coronavirus sans ressources sanitaires, car ceux-ci ont été réduits à néant pour satisfaire le remboursement de la dette.

Le récent communiqué de presse d’OXFAM révèle les deux faces d’une même pièce. L’une concerne la gestion de la dette publique des pays du tiers monde et l’autre les priorités budgétaires imposées à ces pays. Selon Oxfam, 64 pays du Sud doivent dépenser plus pour le remboursement de leur « dette publique » que pour les soins de santé. Par exemple, le Ghana dépense 11 fois plus pour sa dette publique que pour son système de soins de santé. Bien que cette réalité ne soit pas nouvelle, elle est passée pratiquement inaperçue et n’a pas été considérée comme un risque pour la population. Oxfam souligne que 500 millions de personnes dans le Sud pourraient être confrontées à une pauvreté extrême, selon les chercheurs des Nations Unies. Déjà, 265 millions de personnes sont confrontées à la famine, selon l’OMS, ce qui montre que « les pandémies sont aussi des famines ».

Pendant ce temps, depuis janvier, les ressources financières du FMI a augmenté de 19,4 milliards de dollars, alors que la dette publique du tiers monde est d’environ 12,4 milliards de dollars. Le FMI et la Banque mondiale ont encouragé les programmes d’ajustement structurel, les PAS. Le temps sera-t-il venu pour le FMI de rembourser sa dette éthique aux pays touchés par les PAS, maintenant que ceux-ci sont confrontés à des pandémies sans aucune protection ? Les populations de ces pays, loin d’être protégées par le développement, ont perdu leur protection, parce que les gouvernements des pays endettés ont été contraints de servir le marché et non les populations. Le grand idéal des droits humains a trop souvent été un lieu médiatisé par l’idéologie néolibérale de dévotion aux lois du marché du « tout au marché ».

L’influence écrasante de la puissance économique États-Unienne a influé sur le fonctionnement des systèmes de santé dans le monde entier, et le système de santé Etats-Unien est le pire système parmi les pays de l’OCDE. Il s’agit d’un système fondé sur le profit qui n’a aucun intérêt à fournir des soins juste pour soigner. Dans ce système, l’argent ne doit pas être dépensé pour la santé ou les services publics mais seulement pour un retour sur investissement garanti, ce qui élimine l’idée que la santé est une nécessité fondamentale pour garantir les droits humains. Cette perspective sur la santé a dominé les systèmes de santé du monde pendant des décennies, contaminant les systèmes de santé universels comme un virus.

Rebecca Solnit a récemment affirmé : « Le coronavirus discrimine parce que c’est ce que font les humains ». Mais qui sont ceux qui discriminent ? Nous n’avons certainement pas le sentiment de le faire, et pourtant, nous le faisons. Nous le faisons en ne prêtant pas attention aux systèmes qui encouragent la discrimination tout en affirmant qu’ils font le contraire. Nous devons nous organiser pour dénoncer, exposer et combattre sans relâche ce que l’économie néolibérale mondialisée a créé. Le coronavirus a montré que les prescriptions faites par les économistes néolibéraux, même libéraux, les gourous du pouvoir moderne, tuent. Elles ont faussé tout débat politique pour installer un mécanisme d’inégalité maintenant la société entière est éternellement endettée. Les politiques d’austérité se sont répandues dans tous les interstices possibles, y compris dans les pays industrialisés, touchant tous les services publics. Toutes les nations ont vu fondre le nombre de leurs lits d’hôpitaux. La France, qui avait le meilleur système de santé en 2000, a vu ses soins de santé se dégrader ; par exemple, le nombre de lits pour 1000 personnes est passé de 11 en 1980 à 6 en 2019. Aux États-Unis, ce nombre est passé de 7,9 en 1970 à 2,8 en 2016. De même, les fonds alloués à la recherche fondamentale en virologie ont été réduits. Lorsque le coronavirus s’est répandu, l’absence de ressources pour les soins et la prévention ainsi que pour la recherche a transformé la contamination en une crise sanitaire. Cette situation est cruelle et absurde, et les gens commencent à en parler.

Les femmes, en particulier celles du Sud, sont les plus vulnérables aux réductions des services publics. Environ 2/3 de leur travail est non rémunéré. Ce travail non rémunéré représentait environ 13 % du PIB total en 2018. Cette discrimination est systémique et profondément ancrée dans le système patriarcal. Il est particulièrement important dans les pays du tiers monde.

Les priorités n’ont pas porté sur la santé, l’eau potable, l’éducation, l’agriculture locale. Elles n’ont pas porté sur la construction d’une société plus juste entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres. La pauvreté est déterminée par le sexe, la race et la classe sociale. Cette crise sanitaire a démontré que les dirigeants néolibéraux n’avaient aucun intérêt à protéger la population. En cette période de pandémie, les populations les plus vulnérables paient un lourd tribut, qu’elles vivent dans les pays en développement, dans les camps de réfugiés, dans les prisons et les centres de détention aux États-Unis. Cette pandémie offre également une occasion d’encourager la bienveillance et d’étendre la solidarité mondiale au niveau des organisations de terrain. L’approche féministe transnationale propose de rompre avec les mythes du discours officiel pour transformer ce système. Les priorités sont claires, traiter la vie avec respect est la base du bien-être mondial. Cela signifie qu’il faut supprimer le fardeau financier qui pèse sur les plus pauvres alors que les plus riches ont su construire l’enfer. Soutenez l’abolition de la dette !

Support the abolition of the debt : http://www.cadtm.org/Francais

(Crédits Photo 1 : Sara Bakhshi – Photo 2 : Ian Espinosa)