Crise après crise, les cadavres se ressemblent

25 Avr 2021

Crise après crise, les cadavres se ressemblent

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Ils se sont noyés; cette fois, ils étaient environ 42, peut-être plus ; personne n’est venu à leur secours, du moins pas de leur vivant. Ils voulaient laisser derrière eux le conflit au Yémen.

Le Yémen a été le théâtre de luttes de pouvoir et de contrôle bien au-delà de la région. En fait, le pays est devenu une autre victime de la guerre contre le terrorisme menée par les États-Unis après le 11 septembre. Cette guerre a été menée depuis un complexe militaire, un abri dans les montagnes du Colorado. Sous la présidence d’Obama, le programme de drones militaires est devenu un moyen d’attaquer sans mettre en danger l’attaquant, et sans avoir à en rendre compte. Après tout, peu importe le président, une guerre se produira dans un pays du tiers monde, et l’empire sera l’administrateur de la guerre, il ira même jusqu’à précipiter le début d’un conflit.

Bien logiquement, le Yémen est un endroit où les enfants et les femmes souffrent gravement. Imaginez donner naissance dans un contexte de malnutrition et de guerre ; les femmes meurent en couches et elles ne devraient pas si la protection de la vie était le moteur de notre société. Dans tous ces conflits dont les origines sont liées à l’état constant de crise, les femmes peuvent disparaître, et cela convient aux profiteurs actuels de cette machine à fric déterritorialisée et déshumanisée.

Ces 42 jeunes gens se sont noyés au large des côtes de Djibouti. Le rapport de l’ONU les appelle des migrants et déclare : « On ne sait pas ce qui a fait chavirer le navire. »

Tant que les hypothèses sur les détails des circonstances de ces morts occuperons les rapports, tant que les réfugiés seront qualifiés de migrants, tant que nous ne reconnaîtrons pas nos responsabilités et celles de ce système de profit dans la création de ces crises, y compris la crise du Covid 19 qui relève de la même vision du monde, la violence sur des corps continuera, et nous vivrons dans la peur.

Il est intéressant de noter que l’épidémie/pandémie de Covid 19 revele un nouveau degré de peur au concept de crise. Le discours officiel prétend tout faire pour sauver des vies, alors que le lien entre l’apparition du virus et la déforestation, le massacre des espèces, l’agro-industrie et ses entreprises du type Monsanto ne font partie ni de la conversation générale ni de l’élaboration de vrais solutions. Le virus a révélé le piteux état de santé de la société moderne.

La discussion sur l’industrie de la guerre qui a appauvri les populations du Yémen a également disparu du discours public. La relation entre les terribles armes de guerre, dont les drones font partie, et les investisseurs dématérialisés, déterritorialisés, organisés numériquement et exonérés d’impôts a également disparu du discours courant.

Ces pays sont les champs de bataille de ce système complexe : la lutte pour l’exploitation des « ressources naturelles », les marchés mondialisés, les marchés « low cost », l’utilisation puis l’élimination de la main-d’œuvre bon marché et son caractère superfétatoire, un marché numérique stérile, etc.

Tant que nous ignorerons notre relation symbiotique avec notre planète, nous vivrons dans la peur. Nous devons tous retrouver le chemin des techniques et traditions ancestrales pour comprendre que nous avons perdu cette relation en raison de la déterritorialisation qui régit nos existences. Pendant ce temps, les quelques personnes qui tirent les ficelles du système néolibérales qui déshumanisent notre société sont désireuses d’utiliser des tactiques de peur pour obtenir plus de pouvoir. Nous devons nous libérer de ces tactiques de peur si nous voulons retrouver le pouvoir de la solidarité.

Crédits photos : Alexas Fotos / Cocoparisienne