Des mouvements d’ampleur contre les violences faîtes aux femmes

9 Déc 2019

Des mouvements d’ampleur contre les violences faîtes aux femmes

Il y a toujours un jour assigné dans l’année pour penser les problèmes de notre monde. Le 25 novembre était la Journée internationale pour l’élimination de la violence faite aux femmes. Dans cet esprit de soulèvement et de prise de conscience qui anime le monde, des femmes et des hommes sont descendus dans la rue le samedi 23 novembre, pancartes à la main, réclamant plus de respect avec les slogans suivants : « La fin de la violence contre les femmes « ,  » la fin du patriarcat « ,  » ni les femmes ni la terre ne sont des territoires à conquérir « ,  » la coupe est pleine  » accompagnée de l’image d’une coupe pleine de sang,  » éduquer les enfants au respect des femmes et des filles  » et  » le féminisme n’a tué personne, le machisme, oui « .

En France, cette année, à l’initiative de Nous Toutes, environ 49 000 personnes ont marché dans les rues de Paris, contre 12 000 l’an dernier, et environ 150 000 ont manifesté dans toute la France ce jour-là. La manifestation était bien planifiée, car l’indignation grandissait en France. Avec 138 femmes tuées par leur partenaire ou ex-conjoint au moment de la manifestation, la France a connu cette année une augmentation notoire des féminicides, malgré toutes les bonnes intentions exprimées par les autorités. De nombreuses organisations se sont mobilisées avec Nous Toutes, dont ONU Femmes France, Fémen, les femmes des Amériques d’Argentine et du Mexique, Women in Solidarity, Amnesty International et l’Union nationale des familles féminicides.

Alors que les premières personnes commençaient à marcher place de l’Opéra à 14h, à 16h la queue de la manifestation n’avait pas encore démarré. Des hommes, ainsi que de nombreux lycéens, se sont joints à la procession des manifestantes. C’est un signe évident que quelque chose est en train de bouger : ce ne sont plus seulement des femmes qui se mobilisent simplement pour se soutenir les unes les autres mais des gens qui se mobilisent pour soutenir les femmes.

Les pancartes et les chants des manifestant.es exprimaient l’injustice sociale fondamentale que la violence contre les femmes génère renforcée par le sentiment d’impunité du système patriarcal. Tout semblait montrer une réelle évolution vers une prise de conscience élargie de la société, mais une anecdote nous a rappelé qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour déconstruire des siècles de domination. Alors que nous photographiions la manifestation depuis le trottoir, deux hommes d’une quarantaine d’années, qui regardaient la manifestation, nous ont demandé : « Le patriarcat, est-ce un nouveau mot qui vient d’être inventé ? » Ils nous ont ensuite demandé si nous pouvions leur expliquer ce qu’était réellement le patriarcat.

Une manifestation similaire a eu lieu à Madrid, où des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans la rue en chantant « pour celles qui ne sont pas avec nous » « nous demandons justice ». A la fin, les 44 noms des femmes tuées au cours des douze derniers mois à Madrid ont été lus.

Dans six pays européens, dont la Belgique, les féministes ont exigé la mise en place d’une collecte officielle de données sur le féminicide.

Des manifestations de masse pour rendre visible la violence contre les femmes se sont multipliées dans le monde entier. Le week-end dernier, de grandes manifestations ont éclaté dans toute l’Inde, en provenance d’Hyderabad, réclamant la fin des viols et des meurtres de femmes et la nécessité d’obtenir justice dans les tribunaux à procédure rapide. La manifestation de Nirbhaya à New Delhi, la plus importante du genre en 2012, se poursuite désormais par la protestation contre le viol collectif et le meurtre d’une vétérinaire de 27 ans.

Pourquoi la violence contre les femmes est-elle un génocide qui continue d’être invisible dans le monde entier ? L’absence de données alimente une approche supposée non sexiste de la loi, qui, à son tour, est liée à l’invisibilité des crimes contre les femmes, ce qui renforce l’objectivation et l’invisibilité des femmes et de leurs épreuves. Cela constitue un déni des droits des femmes et une normalisation de ce déni.

De même, les femmes ont été objectivées car leurs corps sont devenus des armes de guerre dans de nombreux conflits dans les pays du Sud. La communauté internationale a eu le plus de mal à lutter contre l’impunité avec laquelle ce système s’est développé. Le dernier veto des États-Unis, en juin dernier, sur la résolution 2467 de l’ONU, qui aurait fourni une assistance médicale aux survivantes, n’est qu’un exemple du manque de respect accordé à la dignité de plus de la moitié de la population mondiale.

Le mot-clé est violence. La violence est le fondement du système patriarcal tel qu’il s’est développé en économie, médecine, politique, justifiant la colonisation, les invasions avec des conflits destructeurs sans fin. L’inégalité affecte, comme jamais auparavant, l’émancipation et les droits des femmes. Elle a continué à fragmenter le tissu social, faisant de la précarité une caractéristique commune qui touche d’abord les femmes. Le gouvernement français soutient une série de mesures visant à aider individuellement les victimes de la violence tout en encourageant une réforme des programmes de retraite qui continuera à désavantager gravement les femmes. Le gouvernement indien a recours à des tribunaux accélérés pour une victime très en vue, sans s’attaquer pour autant à la violence faite aux femmes dans son ensemble. Cette ambivalence des gouvernements sur la question des femmes permet au système patriarcal de perdurer.

Les femmes et les hommes du monde entier sont conscients de la domination patriarcale, mais cette conscience n’a pas encore atteint toutes les couches du tissu social ni bouleversé nos institutions qui suivent encore des processus surannés. La réponse est donc dans l’organisation de mouvements de solidarité plus larges, de protestations véhémentes et dans la publication d’écrits engagés. Seul un mouvement de solidarité peut tenir la promesse de créer les conditions d’un changement durable.