Mettre en Lumière Les Inégalités de La Natation

"Je Nagerai et Ma Fille Nagera Aussi" - Un Livre Illustré par Anđela Rončević
10 Juin 2021

Mettre en Lumière Les Inégalités de La Natation

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Anđela Rončević, est née à Zadar, en Croatie ; elle est illustratrice, écrivaine et amoureuse d’une forme de théâtre au service de la communauté appelé Community Theater. Elle a passé les huit dernières années de sa vie à étudier à l’étranger. Anđela explique que les amitiés formées pendant son séjour dans ces écoles ont été le début de son exploration sur la natation et ont inspiré sa récente publication Je Nagerai et Ma Fille Nagera Aussi. Ce séjour à l’étranger l’a mise en relation avec de nombreuses personnes du monde entier ; c’était la première fois qu’elle entendait les confessions de mères ou de sœurs qui ne savaient pas nager. Ce n’est qu’en été 2020 qu’elle a décidé d’approfondir cette question : Pourquoi certaines femmes ne pouvaient-elles pas nager ?

Lorsqu’on grandit au bord de la mer, il est très difficile de ne pas penser à la mer dans tout ce que l’on fait. C’était vrai pour moi. J’ai grandi très près de la mer Adriatique. C’est une mer où l’on peut nager, ses eaux sont bleues et appelle au romantisme pendant une grande partie de l’année. Mes parents nous ont toujours encouragé.es, mon frère, ma sœur et moi, à aller à la mer. Ils nous disaient qu’en allant dans les collines ou les forêts, nous rencontrerions une sorcière, mais c’était leur alibi pour nous protéger du danger des mines laissées dans la forêt après la Guerre d’Indépendance Croate (1991-1995). Pour moi, cela signifiait que la mer était l’endroit où on était en sureté.” Ce lien d’enfance avec la mer a été une grande source d’inspiration pour Anđela et les femmes de sa famille. “Ma grand-mère avait l’habitude de nager, mais elle n’était pas professionnelle. Néanmoins, comme elle le disait souvent ‘être dans la mer est quelque chose qui a le pouvoir de vous guérir”. Ma grand-mère m’a raconté l’histoire de sa mère qui ne savait pas nager. Mon arrière-grand-mère avait développé une angoisse traumatique de la natation après que quelques adolescents l’avaient poussée dans la mer, et qu’ils l’avaient vue en sous-vêtements. Elle avait l’habitude de porter ces sous-vêtements démodés jusqu’aux genoux, et montrer un peu de peau était tabou à l’époque. Cela l’a traumatisée. Mais ma grand-mère n’a pas hérité de cette peur. Après une génération, [ma grand-mère] était devenue la nageuse et la plagiste sans peur : elle se bronzait régulièrement et elle participait à des marathons de natation.” La mère d’Anđela a également parlé du nudisme à l’époque de l’ex-Yougoslavie. “Les gens venaient du monde entier pour être libres et nus sur la côte adriatique. L’ex-Yougoslavie était connue comme le ‘paradis des nudistes’, ce qui n’était pas quelque chose à laquelle on pouvait s’attendre des pays communistes de l’époque.

Anđela Rončević

Anđela encourage le fait que la natation et les autres activités quotidiennes ne doivent pas être considérées comme acquises. Surtout en ce qui concerne l’égalité des genres et le sport. “La natation n’est pas une activité aussi courante qu’en Occident. L’inaptitude à la nage nous en dit long sur l’histoire et le présent d’un pays. Il ne s’agit pas seulement de sport, mais aussi de droits humains.”

Je Nagerai et Ma Fille Nagera Aussi est une compilation de magnifiques illustrations et de 20 entrevues de femmes de 15 pays différents ; chacune étant comme regarder avec un télescope dans une vie différente. Lorsque je lui ai demandé quelle était de son expérience avec les entrevues, Anđela a déclaré : “Il faut s’adapter à chaque nouvelle conversation. Certaines personnes ont l’impression de discuter du sujet autour d’une tasse de café, tandis que pour d’autres, c’est plus difficile et vous devez leur arracher les mots.” Pour Anđela le plus grand point positif était que la plupart des femmes ne la considéraient pas comme une parfaite inconnue ; elles avaient été mises en relation par des ami.es commun.es. À quelques reprises, Anđela a constaté des lacunes linguistiques, mais il y avait toujours une troisième personne disponible pour la traduction. Elle déclare : “J’ai beaucoup apprécié le processus, tout le monde a été très patient et ouvert, et a également accepté sa vulnérabilité pour raconter son histoire.”

Le titre du livre a été inspiré par les paroles de toutes les femmes qu’elle a interviewé et qui ont dit la même chose: “J’aimerais apprendre à nager, et j’apprendrai aussi à ma fille”. Chaque fois qu’elles mentionnaient leurs enfants, l’entretien se refocalisait sur les enfants, avec tellement plein d’amour.”

Quant aux raisons de l’incapacité des femmes à nager, Anđela a mentionné : “le manque d’attention, de patience et de soins que leur accordent les adultes dans leur vie. Il y a aussi une attitude prévalente à l’égard de la natation, comme si ce n’était pas une action modeste à faire pour une femme.” Lorsqu’Anđela demandait si leurs frères, leurs pères ou leurs partenaires masculins savaient nager, 19 femmes sur 20 répondaient oui. Une seule femme a dit que son mari souffrait également d’aquaphobie. D’autres raisons étaient dues à la stigmatisation culturelle, au manque d’opportunités pour apprendre à nager dans cette culture, ainsi qu’à des obstacles financiers. Il y avait aussi des raisons écologiques et géographiques, comme la distance à parcourir pour se rendre à un plan d’eau, la pollution des plans d’eau avoisinants comme les lacs et les rivières, en plus du fait que les piscines ne sont accessibles qu’aux personnes riches. En Suisse, où Anđela vit actuellement, il est obligatoire que tout le monde d’apprenne à nager à l’école avant l’âge de 12 ans. Anđela partage “J’ai rencontré une femme de 47 ans qui était la dernière génération avant l’obligation des cours de natation en Suisse. Comme elle n’a pas été en contact avec l’eau pendant trop longtemps, cela s’est transformé en phobie.”

C’est tellement étrange que j’ai si peur de la natation alors que c’est la première chose que nous avons toutes fait dans le ventre de nos mères”, a déclaré Candice qui venait d’Inde lors de son entretien avec Anđela. “Il y a une notion de connexion sacrée à la natation, mais la confusion de la raison derrière la peur de celle-ci”, a répondu Anđela.

a répondu Anđela

Lorsque j’ai demandé à Anđela d’imaginer son moment préféré au bord de la mer, elle a décrit : “Ce serait sur les côtes de ma ville natale, un jour d’été pendant le coucher du soleil, quand toute la chaleur de la journée monte un peu. C’est tellement dense et intense. J’adore ça. La mer ressemble à de l’huile à cause des couleurs du coucher de soleil. Je pense souvent à mon père qui était marin et qui est décédé non pas au bord de la mer mais en mer. J’ai toujours ce lien avec mon père lorsque je nage.”

Anđela termine actuellement une maîtrise des beaux-arts à Lucerne, en Suisse, à l’École des Sciences Appliquées en Art de Lucerne. Elle espère participer davantage à la conception d’illustrations en freelance et travailler au théâtre local. Elle envisage également de passer un certificat de maître-nageur pour commencer à enseigner la natation aux adultes de Lucerne en particulier à des personnes qui ne sont pas originaires de Suisse, qui n’y ont pas grandi ou qui n’ont pas pu suivre une scolarité normale. C’est pourquoi la Natation est une question d’Égalité.

Le livre d’Anđela est disponible à la vente sur sa boutique en ligne : www.andelaroncevic.net