Words Written: Unearthing Women's Words, Women's Archives, Women's History: Feminicides

Part 2
16 Oct 2019

Disinterring Women’s Words: Unearthing Women’s Words, Women’s Archives, Women’s History: Feminicides

La poétesse Pramila Venkateswaran écrit des poèmes féministes qui avec humour et rigueur parlent de la vie des femmes et de leurs batailles pour leur émancipation et leurs droits. Pour elle son travail n’aurait que peu de sens si elle ne pouvait pas le lire à voix haute ce qui lui permet d’entrainer son audience dans l’expérience du poème en faisant vivre le texte.

Pour Mots Écrits il importe de donner vie aux archives de femmes, histoire des femmes qui étaient emprisonnées dans des cartons d’archives. Le son des voix donne à ce texte venu d’outre-tombe une vie sans filtre tel qu’il est. Sophie Bourel explique «on tire le bouchon de la lampe du génie et d’un coup il y a quelque chose qui surgit; c’est ce parfum-là, cette vie-là, cette trace et c’est cette trace qui va réveiller l’imaginaire des spectateurs qui ne font qu’écouter ce que la personne lit. Les archives deviennent vivantes!» 

Mais avant de pouvoir lire à haute voix, il faut constituer le corpus de textes. Quand nous l’avions rencontré un matin, c’était une belle journée pour elle, elle venait de recevoir des documents d’un département français. Elle nous accueillit avec un bonjour de joie comme si elle venait de découvrir un trésor. 

Ce qui l’avait réjoui était l’arrivée d’une archive anonymisée comme elles doivent l’être lorsqu’elles viennent de fonds d’archive de moins de 75 ans. Il s’agissait d’un crime sur une femme survenu après des années d’alertes et comme encore aujourd’hui une femme qui se retrouve seule devant son agresseur qu’elle ne connait que trop bien. Le 16 septembre 2019, la 105ème victime de féminicide de l’année, a été frappée par son ex conjoint de 14 coups de couteau, au Havre en plein jour dans un supermarché devant ses enfants de 2, 4 et 6 ans. Elle s’appelait Johanna. Elle avait déjà déposé deux plaintes dont la dernière en aout 2019 toutes deux classées sans suite. 

Les femmes victimes de féminicide ont prévenu, appelé à l’aide, et elles sont restées seules, elles sont mortes, abattues avec un fusil de chasse, une arme à feu, poignardées, étranglées, battues à mort. 

Au début de son travail Sophie Bourel voulait mettre en relation toutes les femmes tuées de façon similaire à travers les temps. Elle avait créé une liste de tombeaux, comme elle l’avait appelée, de femmes tuées, il y en avait 78 puis 80 et cela ne s’arrêtait pas. L’idée était de former une sorte d’écho, entre la femme tuée il y a cinquante ans ou avant et la femme décédée de la même manière en 2019, elle voulait les relier dans la mort par le mode opératoire, par le lieu où elles avaient été trouvées, etc. Et puis son projet a évolué. Sans renoncement, elle l’a transformé en raison de l’inévitabilité des meurtres de femmes, du caractère inexorable du décompte des corps tombés sous les coups des hommes. L’artiste constate que la liste des femmes féminicidées en 2019 ne s’arrête jamais.

En poursuivant sa recherche dans les archives, elle s’est aperçue que les assassinats de femmes au 19ème siècle étaient si nombreux que les mises en relation entre femmes féminicidées auraient été incommodes et « de toute façon cette liste n’a ni commencement ni fin» précise-t-elle.

La composition du corpus est la vraie difficulté du projet; il faut une diversité d’archives, de matériaux, pour que 50 minutes de performance de lecture à voix haute ouvrent les consciences, les réflexions sur l’omerta qui a si longtemps régnée sur la vie des femmes, leurs histoires invisibles. 

De ce travail de puzzle elle veut montrer que les morts sont chargées de signaux sociétaux qui en disent long sur le silence entourant la subjectivation des femmes. L’artiste se demande pourquoi nous en sommes toujours là. Ce qui lui est intolérable c’est ce système qui consiste à faire d’une différence une hiérarchie ; suivant les mots d’Édouard Glissant, elle ajoute, «je cherche donc à agir dans mon lieu et à penser avec le monde dans lequel je vis.»