Quand le credo néolibéral de la mondialisation rencontre le virus

24 Mar 2020

Quand le credo néolibéral de la mondialisation rencontre le virus

L’avions-nous vu venir ? Aux États Unis la campagne présidentielle battait son plein, les inégalités sociales s’accentuaient, la politique de la violence gérait l’immigration, des murs étaient construits aux frontières du sud. Les pays européens étaient, eux, occupés à faire passer des lois pour exclure les exilé.es, ou les personnes les plus vulnérables, sans alternative ! Puis le nouveau coronavirus a donné naissance au covid-19. C’est devenu la crise sanitaire du corona virus. Une crise inédite dans la série des crises qui ont nourri le capitalisme. Au début, il s’agissait d’un virus originaire de Chine. Mais, la Chine est la représentation iconique de la globalisation et tout d’un coup toute la machine s’est grippée.

Il faut faire le lien entre la mondialisation/globalisation et le développement du dogme néolibéral. Celui-ci a pris forme après la deuxième guerre mondiale, alors que les colonies s’engageaient dans la lutte pour l’indépendance de l’occident guerrier, n’a pas toujours existé. A la fin de la 2nd GM, au moment où les pays colonisés s’engageaient dans la lutte pour leur indépendance et leur autodétermination, les puissances occidentales ont créé un nouveau dogme, la globalisation ou mondialisation, justifiée par cette aspiration occidentale de l’universalisme. Toni Morrison nous rappelle que le globalisme « se comprend comme étant historiquement progressiste, valorisant, porteur d’une destinée, unifiant, utopiste. » C’est ainsi qu’il construit son aspiration fantasque qui lui permet de créer un système déshumanisé de dérèglementation, de mondialisation/globalisation et de concurrence totale.

Au milieu des années 1980, les puissances occidentales ont imposé des plans d’ajustement structurel, les P.A.S, aux pays « pauvres », parfois d’anciennes colonies de pays riches, souvent riches en ressources naturelles nécessaires dans les pays « riches ». Ces P.A.S ont été conçus selon la logique du Consensus de Washington (croissance à tout prix et au détriment des services sociaux publics) pour justifier la mondialisation/globalisation. Le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale ont accordé des prêts à taux d’intérêt élevé aux pays pauvres sous l’égide du développement, mais ces prêts étaient assortis de conditions exigeant leur remboursement prioritaire plutôt que le développement des services sociaux et des systèmes de santé. Cette refonte complète des structures sociales avec le développement de la concurrence de marchés a miné l’économie des femmes et la position des femmes.

L’éclosion du virus Ebola dans les années 2010 a mis en lumière la cruauté de ces programmes. De la même façon, les mesures d’austérité suivant la même orthodoxie économique néolibérale ont également contribué à l’élimination des services publics dans les pays « riches ». La pandémie actuelle, avec le risque de contagion infectieuse comme dénominateur commun, a réuni toutes les classes sociales et tous les genres, avec une certaine variation selon l’âge ; les pays « riches » étant devenus l’épicentre de la pandémie, celle-ci est devenue une source d’inquiétude internationale.

Les réponses nationales sont différentes. Par exemple, la contamination du virus progresse rapidement aux États-Unis en raison de facteurs sociaux tels que l’absence d’un système de santé publique, le manque de protection pour les travailleurs en vertu des lois du travail des États-Unis, le manque de services sociaux, manque d’accès aux médicaments. Ce n’est que maintenant que le gouvernement états-unien envisage, avec beaucoup de réserve, des congés maladie payés pour un certain nombre de personnes qui sont mises en quarantaine et dont l’emploi est suspendu. Le système hospitalier états-uniens compte le moins de lits pour 100 habitants parmi les pays développés. L’industrie pharmaceutique des États-Unis dépend de produits et matières premières provenant d’entreprises en Inde et en Chine. Les tests de diagnostic du coronavirus ne sont pas largement disponibles pour identifier les personnes touchées par cette maladie très contagieuse. Aux États-Unis, seulement 11 000 tests ont été administrés au cours des derniers jours, tandis que la Corée du Sud utilise 20 000 tests par jour.

Un excellent moyen de mesure de l’inégalité face à l’accès au soin est d’observer les conditions d’incarcération et les centres de détention pour les exilé.es : « Du point de vue de la santé publique, les prisons parce qu’elles sont surpeuplées sont extrêmement dangereuses et leurs systèmes de soins, tels qu’ils sont, sont intentionnellement passés de mauvais à pire ».

Cette pandémie de coronavirus révèle comment le mépris cruel d’un gouvernement pour la vie humaine et l’environnement repose sur sa « capacité de décider qui peut vivre et qui doit mourir. » Seulement cette fois les puissants sont pris à leur propre jeu.

Crédit photo : Robert Metz