Assassinat de George Floyd, la colère et l'espoir pour servir la justice

#BlackLivesMatter
3 Juin 2020

Assassinat de George Floyd, la colère et l’espoir pour servir la justice

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Encore un homme assassiné par des policiers aux États Unis ! Cette fois dans le Minnesota. La vidéo de l’assassinat de George Floyd, un homme noir, par des policiers blancs a choqué, comme si cette situation était nouvelle et surprenante. Nord ou Sud, ça n’a pas d’importance. La justification de ces meurtres, de ces mensonges, et autres moyens de destruction de l’Autre, de l’altérité s’affranchissent de tout doute suffisant. La société moderne parle de formation : des policiers bien formés, des médecins bien formés et des infirmières bien formées, mais que veut dire former, si la vie peut être annihilée instantanément par un « pouvoir légitime ».

Les titres des journaux sont descriptifs, comme ici dans le Washington Post : Quatre officiers de Minneapolis sont licenciés après qu’une vidéo ait montré l’un d’entre eux le genou sur le cou d’un homme noir, ayant entraîné sa mort.

Bien que l’article soulève des questions importantes, il oublie de montrer les évidences d’un racisme construit, et aussi genré. On observe, ainsi, un niveau incommensurable de violence imposée aux corps des femmes, des intersexué.es, des transsexue.lles.

Cette fois, il s’agissait d’un homme noir. De nombreux livres, études sont disponibles, à ceux qui voudraient comprendre les raisons de cette injustice flagrante. Mais il y a toujours quelqu’un pour créer une logique de destruction, de guerre de tous contre tous.

Les femmes participent également à l’élaboration de ces raisonnements destructeurs, car aujourd’hui des femmes blanches ont tendance à se confondre avec leurs compagnons dans le racisme. L’histoire est différente pour les femmes de couleur ; elles ont survécu à l’invasion, à l’esclavage et à toutes ces « merveilles » qui étaient totalement justifiées et le sont toujours. J’affirme qu’être féministe, ce n’est pas seulement avoir le droit de voter (enfin), de contrôler son propre corps, c’est aussi une question d’injustice, de domination brutale et violente menée par la pensée patriarcale. C’est cette domination même qui a créé ces “ice men” hommes insensibles qui peuvent prendre tout leur temps pour assassiner quelqu’un parce que c’est un homme à la peau sombre. Il n’y a pas de séparation entre le bien et le mal, ce qui fait la différence, c’est la justification, la construction de la violence et de la discrimination comme moyens légitimes.

J’ai écrit sur de nombreux sujets qui sont des exemples clairs de cette violence justifiée. J’ai écrit sur la décision prise de sang-froid d’envoyer des drones pour tuer des femmes, des hommes et des enfants au Yémen, en utilisant la parfaite justification de la guerre contre le terrorisme. En réalité, ils ont tué des gens qui se trouvaient au mauvais endroit, dans la mauvaise classe sociale, dans le mauvais système de croyances. 

J’ai écrit sur l’incarcération massive des personnes de couleur à Baltimore, une ville peuplée en majorité de personnes “noires et brunes” que l’homme au pouvoir aux États-Unis a « discréditée ». Cette incarcération massive a trouvé justification malgré tous les travaux et études qui ont démontré que ces politiques n’avaient aucun sens.

J’ai écrit sur l’enchaînement (avec de vraies chaines) des femmes enceintes lorsqu’elles sont incarcérées aux États-Unis. La cruauté consistant à enchaîner les corps des femmes sans autre raison que d’affirmer un pouvoir apparent et pourtant invisible socialement sur le corps des femmes, une autre preuve de folie justifiée.

J’ai écrit sur la cruauté économique qui a privé des femmes, des hommes et des enfants de leur dignité et les a parfois tués. C’est ainsi que la soi-disant « crise économique » en Grèce, qui était en fait motivée par la spéculation, a été justifiée. J’ai écrit sur les nouvelles façons d’exterminer les indésirables, en utilisant la mer Méditerranée comme moyen d’extermination. La justification était facile à trouver : défendre les frontières à une époque de mondialisation obscène. Cela justifiait Frontex, une armée légitime, pour « défendre » des frontières contre des êtres précaires.

Dans tous ces exemples, et bien d’autres encore, les justifications servent les attentes du marché qui permet l’assassinat de cet homme noir, George Floyd. Regardez les armements, observez le développement de l’aveuglement numérique et l’accroissement considérable des inégalités, notre richesse mondiale étant dans les mains d’un très petit nombre.

À la fin de sa vie, Hannah Arendt a anticipé ce danger en voyant arriver une nouvelle justification de la folie humaine : on l’a appelée le néolibéralisme. Elle a déclaré que si celui-ci s’emparait du monde, la vie deviendrait superflue. La vie est devenue superflue pour beaucoup et depuis longtemps.

Excusez ma colère, bien qu’Audre Lorde (féministe noire américaine) m’ait appris que la colère est parfois nécessaire. Je veux terminer en rendant hommage à toutes les sœurs et tous les frères qui ont combattu avec passion ces justifications de l’injustice grossière. Tous les écrits, la poésie et l’art produits au nom de la justice, pour nous inspirer.

Merci à vous toutes et tous, et de nouveau, souvenons-nous d’Audre Lorde, qui dans son livre Sister Outsider s’efforce de transmettre l’espoir, d’encourager la solidarité et d’insuffler la force pour combattre le sexisme et le racisme. Emmanuel Levinas a déclaré qu’aux heures décisives où l’absence de valeurs se révèle, la dignité humaine consiste à croire en leur retour. Plus que leur retour, imaginons ces valeurs et organisons-nous partout pour les défendre de manière solidaire.

La justice pour George Floyd est la justice pour tous, #BlackLivesMatter

(Credit photo : Jurien Huggins)